La semaine de quatre jours, vers un meilleur équilibre de vie

Pour beaucoup d’américains expatriés en France, le mode de vie français suscite parfois de l’incompréhension et de la frustration. Les repas dominicaux qui durent toute l’après-midi (“Il est déjà 17h, j’aurai jamais faim pour le dîner… et on est pas encore au dessert !”) ; les horaires d’ouvertures à géométrie variable (“mais Google a dit que c’est ouvert !”) ; les congés d’été des commerçants et des restaurateurs (“mais ça n’a pas de sens, c’est là où ils pourraient faire le plus de chiffre !”) ; les pauses déjeuners de plus de 1 heure (“chez nous c’est 15 minutes devant ton ordi”)… Bref, en France, on aime profiter de la vie. Alors que les américains doivent se contenter de 10 jours de congés par an et de congés maternité extrêmement courts, nous autres français célébrons le passage aux 35h et les congés payés comme un droit inaliénable. Pour caricaturer, le français travaille pour profiter de son temps libre et de ses vacances ; l’américain, quant à lui, travaille pour pourvoir aux besoins de sa famille et pour profiter de la retraite. Inutile de dire que le débat sur la semaine de quatre jours ferait halluciner de nombreux habitants outre-Atlantique.

Quels avantages sont avancés pour le passage à la semaine de quatre jours ? En Islande, où cette expérimentation a été menée, il a été démontré que la semaine de quatre jours ne réduisait pas la productivité de ses salariés, au contraire. En ayant plus de temps de repos, les salariés ont plus d’énergie et souvent moins de stress pour accomplir la même charge de travail, et ce en moins de temps. Travailler moins pour gagner le même salaire avec une semaine de cinq jours seulement, cela signifie aussi plus de temps à consacrer à sa famille, ses loisirs ou encore à son bien-être. Que du positif, donc ! Il faut tout de même mettre un bémol : si on ne sait pas bien gérer son temps et ses priorités, avoir moins de temps de travail pour la même charge peut s’avérer plus stressant ! Il faut savoir bien s’organiser pour pouvoir gérer ce changement de rythme, notamment lorsqu’on travaille avec une équipe où chacun a des jours de repos différents.

Sans rentrer dans le débat économique que je serai incapable de bien comprendre et encore moins d’expliquer, ce sujet de société pose des questions plus importantes : Le travail est-il un obstacle à notre épanouissement ? Et peut-être même, qu’est-ce qu’une vie qui vaut la peine d’être vécue ?

Dans un article précédent, j’écrivais que le travail, aussi génial soit-il, n’est pas le chemin ultime vers l’épanouissement. D’ailleurs, je remettais en cause le présupposé selon lequel l’épanouissement personnel est le but de nos vies — ou en tout cas ce qui leur donne du sens. On a besoin de trouver un équilibre entre le travail et la vie personnelle (et je sais que c’est difficile!), mais pour autant, je ne pense pas que cet équilibre a uniquement pour fin l’épanouissement personnel. Une vie qui vaut la peine d’être vécue inclut notre bien-être , mais elle ne se limite pas à cela. Je pense même qu’une vie qui a connu plus de malheur et de difficultés que de bonheur peut-être une “bonne vie”. En fait, je serais plus radicale que cela : une vie vaut la peine d’être vécue à une seule condition. En tant que chrétienne, je suis convaincue que connaître personnellement Dieu est la seule chose qui rend une vie bonne, quelles que soient les circonstances. 

Dans la perspective chrétienne, la vie de Jésus Christ est l’exemple parfait à suivre. Il a mené une vie exemplaire sur le plan moral et éthique, sans commettre de péché, dans une parfaite obéissance à Dieu, avec qui il cultivait une relation intime. En ce sens, sa vie était indéniablement bonne. Mais cette vie bonne, il ne l’a pas vécue dans le but de s’épanouir personnellement. Il n’est pas allé s’isoler tel un ermite, ce qui en toute logique lui aurait donné plus de temps pour sa relation avec Dieu, tout en limitant les tentations et difficultés liés à la vie en société. Au contraire, sa vie a été marquée jusqu’au bout par le service des autres, et par la souffrance souvent causée par son activité, et par les autres. Ce qui faisait sa joie n’était pas le fait de se savoir utile ou aimé dans son travail, ni d’avoir du temps pour ses loisirs, mais c’était de “connaître son Père et de garder sa parole” (Jn 8.55), même si cela lui a coûté sa vie. 

Je ne souhaite à personne – et surtout pas à moi – d’avoir une vie empreinte de tragédies et de douleur. Mais en étant réaliste, personne ne peut, tant qu’il est en vie, échapper à la souffrance et aux questions existentielles qui vont avec. Ce que je souhaiterais à tous, en revanche, c’est de partager mon espérance qui va bien au-delà de “réussir sa vie”. J’ai la certitude que ma vie est une réussite quels que soient  mes accomplissements ou les difficultés de la vie, car je connais Dieu et je sais que ma vie est entre ses mains. 

Si finalement, je passe ma vie à la poursuite de loisirs et d’accomplissements professionnels vains, qui donnent un sens illusoire à mon existence, passer d’une semaine de 5 jours à une semaine de 4 jours, cela ne change au fond pas grand-chose. Comme dit ce vieux poème biblique, “un jour dans tes parvis vaut mieux que 1000 ailleurs” (Ps 84.11) ! En suivant l’exemple de Jésus, mon temps et mon énergie seront ultimement bien mieux investis en plaçant ma relation à Dieu et aux autres au centre de tout ce que je fais, que ce soit le travail ou les loisirs.

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