Mais que font les chrétiens pour s’attirer tant de persécution?

Des chrétiens pakistanais manifestent leur souffrance après les attentas

Le mois passé, le monde était choqué d’apprendre l’attentat qui coûta la vie à plus de 80 chrétiens dans une église du Pakistan. C’est peut-être un des évènements les plus retentissants de la catégorie dans les temps récents, mais il n’est malheureusement pas isolé : chrétiens coptes attaqués en Égypte, églises prises d’assaut au Nigéria, pogrom contre les chrétiens en Inde, multitude de chrétiens en camp de travail en Corée du Nord, exode massif et forcé des chrétiens d’Iraq craignant pour leur vie.
Dans ces différents endroits, des chrétiens souffrent de persécution parce qu’ils sont chrétiens, vivent en chrétiens et/ou continuent à témoigner de Jésus-Christ. Bien sûr, ce phénomène n’est pas unique, d’autres courant religieux ou philosophiques souffrent aussi à cause de leur croyances ou opinions. Et il est des cas où les chrétiens souffrent aux mains de puissances qui, ma foi, maltraitent tout le monde sans faire grande distinction. Loin de nous de nier ou négliger la souffrance de quelque groupe que ce soit.

Il reste néanmoins que les chrétiens sont selon toutes les sources le groupe religieux le plus persécuté. D’autre part, la variété des sources d’oppression est marquante : islamisme radical, nationalisme hindou, totalitarisme communiste, bientôt peut-être le laïcisme républicain?
Il y a là un schéma suffisamment large pour mériter analyse.

Il ne s’agit pas de tomber dans l’erreur de penser que parce qu’un groupe souffre, il aurait forcément raison. Mais cherchons à comprendre ce qui rend les chrétiens particulièrement susceptible d’être persécutés.

Ils persistent, les bougres!

Une des premières raisons est que les chrétiens n’abandonnent pas facilement leur foi. Qu’une idéologie quelconque veuille imposer son hégémonie sur un territoire et abolisse toute autre allégeance, les chrétiens ne seront pas prompts à disparaître, et continueront même à se rassembler comme chrétiens tant qu’ils y parviendront. Dans le même ordre d’idée, l’Évangile ne respecte pas les frontières linguistiques, culturelles ou ethniques. Même là où des groupes homogènes existent, les chrétiens ne vont pas renoncer à annoncer leur message, quitte à créer des “corps étrangers” dans un système qui ne les supporte pas. En effet, l’Évangile a le pouvoir de convaincre sans l’appui d’une domination culturelle ou politique. Et cela est particulièrement odieux aux yeux des idéologies pour qui la cohésion d’une société vient de l’adhésion commune (feinte ou sincère, cela importe généralement peu) à un système de pensée. Qu’il s’agisse du système des castes indiennes, du communisme soviétique ou de l’Islam politique, l’appartenance ou la conversion au christianisme empêche de rester intégralement loyal au système.

Mais qu’est-ce qui donne aux chrétiens cette outrecuidance de continuer à se revendiquer comme tels alors que la société du lieu s’y oppose? Assez certainement, la conviction que le message de la Bible est vrai, dans un sens suffisamment fort pour que s’en détourner soit renoncer à la réalité. Si une croyance n’est que ce que les ancêtres ont transmis, ou qu’une possibilité parmi d’autre, choisie pour des raisons de confort, on s’y tiendra dans une certaine limite, mais la pression de l’opposition finira par en détacher. Lorsqu’il s’agit d’une question de vie ou de mort, le réconfort procuré par une croyance ne suffit pas si on ne la tient pas pour vraie dans un sens absolu.

Et au-delà du concept de vérité, qui reste abstrait, la vérité du christianisme porte un nom, c’est Jésus-Christ. La vérité est une personne, incarnée, aimante et aimée. La personne de Jésus suscite non seulement une adhésion mais un attachement, qui font qu’on ne s’en détache pas facilement.

Au-delà du monde et dans le monde

Et finalement, ce qui rend la foi chrétienne si dérangeante, c’est peut-être aussi son aspect à la fois concret et transcendant. Les convictions qui ne sont que pragmatiques peuvent être renversées par les circonstances, tandis que les convictions purement mystiques n’ont pas suffisamment d’impact sur ce monde pour gêner les puissances du temps présent. La foi chrétienne dépasse suffisamment ce monde pour que rien dans ce monde ne la surpasse. Mais elle concerne suffisamment ce monde pour être un défi à tous les césars, les tyrans et les idéologies.

Mais peut-être ces réflexions ne seraient-elles pas complètes sans une interpellation pour les chrétiens : si il y a peu de cas de persécution mortelle en Occident, est-ce vraiment que le système en place est plus clément ou meilleur que les idéologies d’autres lieux? Ou bien est-ce que les chrétiens sont tranquilles parce qu’ils ont renoncé à être une force subversive, contestant la marche du monde? Malheureusement, l’histoire montre aussi bien des cas où les chrétiens se sont accommodés aux pouvoirs de ce monde, à leur honte et à la nôtre, et au mépris de leur identité fondamentale.

Jean-René Moret, Octobre 2013


Quelques références sur les faits auxquels il est fait allusion ici :
www.spectator.co.uk/features/9041841/the-war-on-christians/

www.bilan.ch/xavier-colin/relations-internationales/il-faut-sauver-le-chretien-dorient

La persécution des chrétiens aujourd’hui dans le monde, Raphaël Délpard, Michel Lafon, 2009

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