Dieu est-il orgueilleux?

Dans la Bible, Dieu déclare qu’il agit pour sa gloire[1.

A cause de mon nom, je suspends ma colère ; A cause de ma gloire, je me contiens envers toi. Pour ne pas t’exterminer. Je t’ai mis au creuset, mais non pour retirer de l’argent ; Je t’ai éprouvé dans la fournaise de l’adversité. C’est pour l’amour de moi, pour l’amour de moi, que je veux agir ; Car comment mon nom serait-il profané ? Je ne donnerai pas ma gloire à un autre.

Esaïe 48.9-11 .]. La gloire du nom de Dieu est un thème récurrent de la Bible. Dieu veut être reconnu pour qui il est, il prend plaisir à recevoir les louanges de son peuple. Dieu manifeste-t-il là de l’orgueil ? Est-il vaniteux ?

L’orgueil comme démesure

Dans cette question, on pourrait voir l’idée que penser du bien de soi-même serait un problème, une chose condamnable en soi. Mais pourquoi donc ? Où est le problème ?

Commençons par une remarque négative. Si l’humilité consistait à penser que l’on vaut moins que cela n’est le cas, l’humilité serait une forme d’illusion ou de malhonnêteté. On voit mal en quoi porter un jugement erroné sur soi constituerait une vertu ! Cherchons donc ailleurs.

Chez les grecs, la faute par excellence était l’«hubris», qu’on traduit par orgueil ou démesure, c’est-à-dire le fait de dépasser les limites de la condition imposée par le destin. Penser de soi-même plus que sa valeur réelle, vouloir plus que sa part, voilà une attitude condamnable, qui de plus mettait en danger la société.

Mais, me direz-vous, l’humilité est une valeur chrétienne. Par mesure de cohérence, il faut juger de Dieu selon une vision biblique de l’humilité. Là aussi, l’orgueil et l’humilité sont d’abord présentés quant aux humains. Ce qui leur est souvent reproché, c’est de s’attribuer un honneur qui ne leur est pas dû. L’apôtre Paul écrivait ce qui suit à une église tentée de se diviser en partis se réclamant d’Apollos (un autre apôtre), de Pierre ou de Paul lui-même

Vous apprendrez ainsi, à notre exemple, à ne pas aller au-delà de ce qui est écrit, afin qu’aucun de vous ne se gonfle d’orgueil en prenant parti pour l’un contre l’autre. En effet, qui est-ce qui te distingue ? Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi fais-tu le fier, comme si tu ne l’avais pas reçu ? [1. Première lettre de Paul aux Corinthiens, chapitre 4, versets 6 et 7.]

Ici, la fierté mal placée est contrée en reconnaissant que tout ce que nous avons nous a été donné, de sorte qu’il n’y a pas de fierté personnelle à en tirer.

Revenons-en à Dieu. Lorsque Dieu défend l’honneur de son nom, il n’est pas dans la démesure : il est vraiment Dieu, le tout puissant, le sage, etc. Accuser Dieu d’orgueil n’est donc pas très cohérent : Contrairement aux hommes qui doivent reconnaître leurs limites, Dieu n’a pas de limite à reconnaître. Il ne peut pas s’estimer plus haut que sa valeur réelle. De plus, il n’a rien reçu d’un autre, il est la source de tout bien et se suffit à lui-même. Il n’a donc pas besoin de reconnaître sa dépendance à l’égard d’un autre – le faire serait de sa part un mensonge !

Il faut encore noter une forme particulière d’orgueil que la Bible réprouve. C’est celui de la créature qui veut se prendre pour le créateur, prendre la place de Dieu. C’est entre autre ce que Satan promettait à l’humanité pour la pousser à la révolte : «vous serez comme des Dieux»[1. Genèse chapitre 3 verset 5. Voir aussi Actes des apôtres, chapitre 12, versets 20 à 23, Ézéchiel chapitre 28 versets 1 à 10 . pour des exemples particuliers d’hommes à qui il est reproché de se prendre pour Dieu. .].

Lorsque Dieu agit pour défendre son honneur, ce n’est pas parce qu’il a un problème d’ego. Dieu est l’origine de tout bien, de tout ce qui a de la valeur. Dieu est plus grand et plus appréciable que tout. À chaque fois qu’un être créé, humain ou autre, prend la place de Dieu et reçoit l’honneur qui revient à Dieu, l’homme se détourne du bien suprême pour un bien moindre. Nous sommes perdants lorsque notre amour et notre espoir se tournent vers des choses insuffisantes, qui ne peuvent combler notre besoin fondamental de Dieu. De plus, les hommes et les systèmes qui se prennent pour Dieu se mettent en général à revendiquer les droits de Dieu sur les humains, et l’oppression et la barbarie s’ensuivent [1. Ainsi les systèmes communistes prétendaient pouvoir amener un salut terrestre, et sur base de cette prétention tout les moyens utilisés devenaient légitimes. Notons que la même chose s’ensuit lorsque des hommes revendiquent incarner la volonté de Dieu sur terre, ou agir au nom de Dieu avec une fausse conception de sa volonté.]. À l’inverse, lorsque Dieu donne à connaître qui il est, sa gloire et sa grandeur, il nous donne l’occasion de nous réjouir de qui il est.

L’humilité de Dieu.

Dieu est donc justifié d’avoir une haute opinion de lui-même ; la démesure n’est pas un concept approprié en ce qui le concerne, et la défense de son honneur est aussi nécessaire dans notre intérêt. Cependant, il y a aussi un sens où l’on peut dire que Dieu est humble. C’est celui où Dieu n’use pas de toutes ses prérogatives, où il laisse de côté une partie de ce qu’il pourrait revendiquer à bon droit.

Je pense qu’on peut le voir déjà dans la création. Dieu n’a pas besoin du monde et n’a pas besoin de nous ; il est complet en lui-même, et il a même une relation interne entre Père, Fils et Esprit. Pourtant, il a choisi de faire venir à l’existence un monde distinct de lui[1. Voir  Dieu n’est il qu’une force qui anime toutes choses ?].

Surtout, il a créé des êtres suffisamment libres pour pouvoir se détourner de lui et choisir contre lui. Lui qui tient tout dans ses mains, il n’a pas hésité à donner assez de marge de manœuvre à sa création pour que l’humanité choisisse contre lui.

Mais plus que cela, Dieu montre de l’humilité en s’incarnant en Jésus-Christ[1. Voir Que fête-t-on à Noël ?]. Dieu le Fils devient un homme, pauvre parmi les pauvres, exposé à la souffrance et à l’humiliation, comme l’exprime par exemple la lettre aux Philippiens :

Jésus Christ, lui qui est de condition divine, n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix [1. Lettre de Paul aux Philippiens, chapitre 2, versets 5 à 8.].

Jésus n’a pas prétendu être moins que ce qu’il était, mais il n’a pas exigé de recevoir tout ce qui lui était dû. Et c’est pour nous ramener à Dieu, pour rétablir la relation brisée par la révolte de l’homme que Dieu est devenu homme[1. Voir pourquoi Jésus est-il mort – mort pour nos fautes, et toute la série ].

Ainsi, non seulement Dieu n’est pas orgueilleux, ne pouvant pas se surestimer. Mais en plus il fait preuve d’une réelle humilité en choisissant d’être en relation avec le monde et avec les hommes, et en s’humiliant dans l’abaissement de Jésus-Christ. De ce point de vue, par son incarnation en Jésus de Nazareth, Dieu démontre son humilité d’une manière qui n’a pas son pareil dans les autres religions.

Jean-René Moret, Juin 2015


Image d’en-tête : une représentation de Jésus-Christ dans sa gloire après la résurrection, tympan de l’église de Conques, source : http://kerdonis.fr/ZCONQUES/.

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