Les religieux prennent le pouvoir, et ça va mal pour le monde

De nos jours, les religions ont mauvaise presse. Les spiritualités et les pratiques de méditation, toutes personnelles, sont des cheminements respectés ; mais les opinions et pratiques religieuses, elles, n’ont pas intérêt à sortir de la sphère privée ; sinon, c’est le tollé général ! Et pour cause, dans l’opinion publique, religion rime avec intégrisme. Mais qu’en est-il vraiment ? Est-ce que tous les religieux cherchent, de façon systématique, à prendre le pouvoir ?

Certaines religions se présentent comme un recueil de lois civiles, destinées à gouverner un pays, voir le monde. C’est le cas, par exemple, de la Charia musulmane. Mais lorsque Jésus prononce son Sermon sur la montagne, le niveau d’exigence qu’il fixe à ceux qui veulent suivre son exemple est bien trop élevé pour une quelconque application au gouvernement d’un pays !

Quelle est donc la position de Jésus, la personne clé de la religion chrétienne, face au pouvoir ? Pour répondre à cette question, nous ferons deux constats :

  1. Jésus est venu renverser l’idée humaine du pouvoir.
  2. Jésus donne de la valeur aux petits, et les invite à exercer le pouvoir de l’Amour.

Jésus a vécu sa vie entière au service des autres ; et il a donné de la valeur à ceux que les grands de ce monde écrasent et asservissent : les “petits”. L’apôtre Paul a suivi la voie de Jésus. Dans ses lettres, il s’adresse aux esclaves, ce qui, à l’époque, est révolutionnaire. Il les appelle à servir leur maître avec amour, comme s’ils servaient Jésus lui-même, mais il ne s’arrête pas là ! En effet, il enjoint les maître à traiter leurs esclaves avec respect et amour : “agissez de même à l’égard de vos serviteurs” ; “abstenez-vous de menaces, sachant que leur Maître et le vôtre est dans les cieux et que devant lui il n’y a pas de différence entre les personnes”. Paul poursuit : “chacun, esclave ou libre, recueillera du Seigneur selon le bien qu’il aura fait” (Ep 6.5-9).

On le voit, le pouvoir révolutionnaire de l’amour de Jésus transcende les barrières sociales et les hiérarchies. Il change les rapports entre dominants et dominés. Décapant, non ?

  • Jésus, jusque dans sa mort, a fait le choix de la non-puissance.

Alors que les juifs de son temps voulaient faire de lui le roi tant attendu, Jésus n’a jamais prétendu à la royauté, car il est venu montrer un exemple de renoncement au pouvoir. Jésus n’a jamais utilisé son autorité et sa puissance miraculeuse pour se servir lui-même ! Il n’en n’a fait usage que pour servir les hommes, guérir les malades, nourrir les foules… Jésus dira d’ailleurs au gouverneur Pilate, alors qu’il est livré aux mains des romains pour être crucifié : “Mon royaume n’est pas de ce monde…. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi afin que je ne sois pas livré aux Juifs ; mais maintenant mon royaume n’est point d’ici-bas” (Jn 18.36). Jusque dans la mort, Jésus a accepté sa mission : servir les humains. Et il est mort pour ses ennemis en priant pour leur pardon : “Père, pardonnes leur, car il ne savent pas ce qu’ils font” (Lc 23.34). Quel contraste avec une prise de pouvoir !

On l’a vu, le message de l’évangile implique un renversement des logiques humaines de pouvoir. Si des gens religieux de tout poil, sont attirés par le pouvoir, c’est qu’ils ont déjà quitté la voie de Jésus qui a dit : “Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé” (Mt 23.12).

  • Jésus a montré l’exemple de renoncement à la toute puissance, par amour.

Trois choses font tourner le monde : le sexe, l’argent, et le pouvoir. Ainsi sont les humains, religieux ou non! La tentation est grande, pour eux, de prendre le pouvoir. Mais ces choses : sexe, argent, pouvoir, la Bible nous enseigne qu’elles ne viennent pas de Dieu, mais de l’homme (1 Jn 2.16-17). En fait, dans toute prise de pouvoir, que ce soit au nom d’une idéologie – nazisme ou communisme par exemple – ou au nom d’une religion, c’est l’homme qui prend le pouvoir et non Dieu !

Et Jésus ? Il est la personne clé de la religion chrétienne ! Quelle est donc sa position face au pouvoir ? Pour le savoir, penchons nous sur deux épisodes de sa vie, significatifs :

  1. L’épreuve du désert.

Avant de rentrer dans son service auprès des humains, Jésus est conduit dans le désert pour un genre de test. Après 40 jours de jeûne, il a faim, et Satan vient le soumettre à 3 tentations (Lc 4.5-8).

En voici une. J’ai revisité le dialogue avec mes mots :

– Satan :

“Toi, fils de Dieu, vraiment ? Et ta renommée ? Regardes-moi : tout le monde me craint ! Et toi, qui te respecte ? Si tu es roi, montres-le, et fais valoir tes droits ! Prends le pouvoir ! et exiges les honneurs d’un chef ! Regarde ! Tu vois tous ces royaumes et leur gloire ! Ils m’ont été remis ! Si tu te prosternes devant moi, je te les donne !”

– Jésus :

“Arrière Satan, tes pensées sont des pensées d’homme ! Ma dignité d’égal de Dieu, je ne cherche pas à l’arracher auprès des autres comme un chien qui grogne pour garder son bout de viande ! Le pouvoir et l’adoration des hommes ? ça m’est égal ! Je ne les recherche pas ! Car je sais bien que partout où l’homme essaie d’établir sa domination, il fait usage de violence, et voici ma mission : je suis venu inaugurer un nouveau royaume, régi par de nouvelles règles”.

  1. Le dernier repas.

Juste avant que Judas le livre, par trahison, aux chefs religieux juifs, Jésus prend le dernier repas de Pâques avec ses disciples. Il prend un habit d’esclave pour les servir. C’est alors que ses disciples se bagarrent pour savoir qui est le plus grand. Jésus doit les reprendre, et il leur dit :

“Les rois des nations les tyrannisent, les asservissent, et abusent de leur pouvoir sur eux, et en plus, ceux qui les dominent se font appeler bienfaiteurs. Qu’il n’en soit pas de même pour vous. Mais que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert. Car qui est le plus grand, celui qui est à table, ou celui qui sert? N’est-ce pas celui qui est à table? Et moi, cependant, je suis au milieu de vous comme celui qui sert” (Luc 22.24-27, Mt 20.24-27) ; “Ne vous faites pas appeler maître; car un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères. Et n’appelez personne sur la terre votre père; car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux. Ne vous faites pas appeler directeurs; car un seul est votre Directeur, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé” (Mt 23.8-12).

En Jésus, on assiste à un renversement total de la compréhension humaine de l’autorité. Le roi, c’est celui qui sert l’autre, avec humilité. Décapant, n’est-ce pas ?

Aurélien Bloch, 2022

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