Dieu, l’hypothèse superflue de la science

Au XVIIIe siècle, un défi hante tout astrophysicien et scientifique de l’époque. Ce défi c’est un problème mathématique, c’est celui de la stabilité du système solaire. Est-ce que les trajectoires des planètes autour du soleil resteront toujours identiques ou est-ce que d’inévitables collisions sont à prévoir ? Ne risque-t-on pas de voir, un jour, une planète éjectée du système solaire ? Newton, pensait avoir découvert que de petites interactions entre planètes, s’accumulant sur plusieurs années, finiraient par faire perdre leur orbite aux astres [1]. Il imaginait donc que Dieu devait intervenir de temps en temps pour réparer les trajectoires afin de maintenir la stabilité du système solaire.

Cependant, en 1798, Pierre-Simon de Laplace, célèbre mathématicien français, accomplit une avancée spectaculaire dans la compréhension de la stabilité de notre système solaire [2]. Il semblerait bien que finalement, il soit mathématiquement stable ! Plus besoin de Dieu pour l’expliquer, les mathématiques suffisent. L’Histoire raconte même qu’il fut interrogé par le général Bonaparte en ceci : « Newton a parlé de Dieu dans son livre, j’ai déjà parcouru le vôtre et je n’y ai pas trouvé ce nom une seule fois » ce à quoi notre cher mathématicien aurait répondu : « Je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse. » Dieu relégué au rang des hypothèses superflues par la science. C’est vrai quand on y pense, la puissance explicative des sciences est formidable : elle fait voler des avions et guérit des malades. En expliquant les événements naturels, elle a permis de laisser sur le banc de touche certaines croyances bien ancrées, considérées aujourd’hui comme superstitieuses.

Les éclairs par exemple, s’ils s’abattent depuis le ciel, ce n’est plus à cause de la colère des dieux, mais bien à cause d’une accumulation électrostatique dans les nuages. De même, en Grèce antique, l’épilepsie était une pathologie bien mystérieuse et dans le contexte religieux, son origine était associée au châtiment divin. Pourtant, un médecin de l’époque, Hippocrate annonçait déjà  que lorsque nous comprendrons mieux le phénomène de l’épilepsie, alors nous cesserons d’invoquer l’intervention des dieux comme sa cause[3]. Je crois qu’aujourd’hui on peut dire qu’il avait bien raison. Il apparaît clairement qu’en chassant notre ignorance, la science chasse par la même occasion Dieu de notre compréhension du monde. C’est en tout cas la thèse que semble défendre Laplace devant Napoléon. 

Je pense qu’en réalité, Laplace est en train de défendre la position philosophique de Leibniz contre celle de Newton[4]. Si Dieu veut que sa création soit stable, alors il la crée stable ! Il n’a pas besoin d’intervenir constamment pour la réparer. Dieu est suffisamment fort et intelligent pour que son univers ne nécessite pas de maintenance. Par conséquent, si le système solaire est stable, cela doit être en vertu de l’ordre que Dieu lui a donné et non par le truchement d’un miracle qui doit constamment se renouveler. La science doit pouvoir éclairer la formidable ingéniosité de Dieu. Ainsi, paradoxalement et contrairement à notre première intuition, que la science puisse se passer de Dieu est une preuve de son ingéniosité plutôt que de son absence. Comprenez par là que si la science est capable d’expliquer les choses, c’est précisément parce que ces choses ont étés bien ordonnées. Le Dieu présenté par la Bible, c’est le fondement de toute réalité, chaque faits concrets prend sa source en lui, de telle sorte que rien ne lui échappe. Il règne souverainement sur sa création. Il est l’auteur du grand récit de l’univers. Par quelle sorte de moyen son propre récit peut-il permettre de le réfuter ? Autant essayer de réfuter l’existence de Molière sous prétexte qu’aucun personnage dans le Malade imaginaire ne se réfère à lui. Pourquoi Toinette se fait-elle passer pour un médecin ? La réponse se trouve certainement dans la pièce de théâtre… à moins que ce ne soit parce que Molière l’a écrite de sorte à ce que cela arrive. Il en va de même pour celui qui a écrit le théâtre de l’univers. Pourquoi le système solaire est-il stable ? La réponse se trouve certainement dans les lois de l’univers… à moins que ce ne soit parce que Dieu les a écrites de sorte à ce que ce soit le cas. 

Mais maintenant, j’aimerais vous soumettre un autre problème à résoudre, un problème éminemment plus important que celui de la stabilité du système solaire. Contrairement aux planètes qui obéissent invariablement aux lois physiques, nous avons librement décidé de sortir de notre orbite. Condamné à la dérive nous avons décidé de vivre sans Dieu. Coupé de la source de lumière nous mourrons à petit feu. « [La lumière] était dans le monde et le monde a été fait par elle, pourtant le monde ne l’a pas reconnue. Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont pas accueillie. Mais à tous ceux qui l’ont acceptée, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le droit de devenir enfants de Dieu »[5]. Alors notre trajectoire, stable ou pas stable ?

Elie Cobo, 2022

Publié avec l’autorisation de CQFD  : https://www.cqfd.org/dieu-lhypothese-superflue-de-la-science/?et_fb=1&PageSpeed=off

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Notes :

  1.  « Un destin aveugle ne pourrait jamais faire mouvoir ainsi toutes les planètes, à quelques inégalités près à peine remarquables, qui peuvent provenir de l’action mutuelle des planètes et des comètes, et qui probablement deviendront plus grandes par une longue suite de temps jusqu’à ce qu’enfin ce système ait besoin d’être remis en ordre par son auteur. » Newton, Philosophiae naturalis principia mathematica, 1687
  2.  Traité de Mécanique Céleste, 1798-1825
  3.  La maladie sacrée, 2003, Texte établi et traduit par Jacques Jouanna. La méthode hippocratique n’est pas à proprement parler athée mais considère que la nature est soumise à une logique de causes-effets que les dieux respectent, cette logique est compréhensible par les hommes. 
  4.  Laplace cite Leibniz dans Exposition du Système du monde, 1827 : à propos de l’intervention de Dieu pour remettre de l’ordre dans le système solaire « C’est avoir des idées bien étroites de la sagesse et de la puissance de Dieu. »
  5.  Jean chap.1 v.11-12

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