L'homme de Vitruve : œuvre de Léonard de Vinci montrant les proportions du corps humain

Le Christianisme prône-t-il le mépris du corps?

 

On accuse fréquemment la foi chrétienne d’être hostile au corps, de préférer une spiritualité désincarnée à la réalité bassement matérielle de notre chair.  Qu’en est-il?

Dans l’antiquité

Il faut reconnaître que le christianisme antique, né dans un contexte marqué par la pensée grecque, a été influencé par le platonisme. Celui-ci voyait le monde matériel comme un pâle reflet du monde des Idées, qui constitue pour la vraie réalité. Des courants issus de cette pensée pouvaient voir le corps matériel comme une prison par une âme spirituelle. Nier le corps était alors la voie vers la libération de l’âme. Ce genre d’idées est regroupé sous le terme de gnosticisme.
Le christianisme n’a jamais entièrement adhéré à ces visions, et le gnosticisme a été vu comme une erreur et a été combattu – on en voit certaines traces dans le nouveau testament, mais c’est surtout au deuxième siècle que le débat a été central. Cependant, la méfiance face au corps a laissé des traces dans la spiritualité de l’antiquité et du moyen-âge. On y voyait le corps comme passablement indiscipliné, comme une force un peu chaotique à tenir sous contrôle.

Dans la Bible

Pourtant, dans la pensée biblique, le corps n’est pas diabolisé. Il est création de Dieu, autant que l’âme qui l’anime. L’apôtre Paul affirme avec vigueur que la résurrection des corps est un élément non-négociable [1. Première lettre aux corinthiens, chapitre 15.]. On a souvent la vision d’une âme immortelle qui s’échappe du corps pour aller “au ciel” vivre une éternité désincarnée, mais ce n’est pas la vision chrétienne. L’espoir chrétien est de vivre l’éternité dans un corps, un corps guéri, libéré de ses faiblesse, mais un vrai corps matériel[2. Dans certaines visions, l’âme vit une existence sans corps dans la présence de Dieu après la mort en attendant la résurrection finale. Mais cet “état intermédiaire” n’est pas la plénitude de l’existence humaine, il n’est que temporaire.].

Comme tout notre être, le corps dans ce monde est marqué par la faiblesse et le péché, mais cela est lié à un problème moral, non à la seule matérialité. Le corps est appelé temple du Saint-Esprit [3. Première lettre aux corinthiens, chapitre 6, verset 19.], il n’est donc ni néfaste ni dépourvu de valeur. L’argument le plus fort pour dire que le corps n’est pas mauvais en soi, c’est qu’en Jésus de Nazareth, Dieu s’est incarné, il a vécu dans un corps de chair en tout points semblable au nôtre, la matérialité n’est donc pas incompatible avec la perfection morale de Dieu[4. Les hérésies qui méprisaient le corps avaient précisément de la peine avec cette idée, et pensait que Jésus n’avait qu’une apparence humaine, mais pas un vrai corps. Cette idée reçoit une condamnation sans appel dans la première lettre de l’apôtre Jean :  “tout esprit qui reconnaît Jésus-Christ venu en chair est de Dieu ; et tout esprit qui ne reconnaît pas Jésus n’est pas de Dieu ; c’est celui de l’antichrist, dont vous avez entendu dire qu’il vient, et qui maintenant est déjà dans le monde.” (1 Jean 4.2-3.)].

Il existe un malentendu courant autour du terme “chair” dans les lettres de l’apôtre Paul. Paul utilise parfois ce terme pour désigner l’homme séparé de Dieu, et ce qui en l’homme lutte contre l’autorité de Dieu. Dans ce sens, “la chair” est une réalité mauvaise, mais qui ne se limite pas au corps, c’est un principe d’action qui engage notre volonté. A d’autre moment, le terme est utilisé dans son sens premier, pour désigner le corps, la chair vivante qui nous constitue. En manquant la distinction entre ces deux usages, on conclut facilement que le corps est vu comme hostile à Dieu, mais c’est un contresens.

Pour aujourd’hui

Bref, si il y a bien eu un courant de mépris du corps dans le christianisme, c’est que ce dernier s’est par trop adapté à la pensée de son époque. Autrement dit, on lui reproche d’avoir fait hier ce qu’on lui demande de faire aujourd’hui. Héritiers de nos prédécesseurs, nous ne pouvons nous dédouaner entièrement de leurs erreurs, mais nous pouvons nous garder de les répéter.

Et il faut dire qu’aujourd’hui, la situation semble inversée. Aujourd’hui, c’est le christianisme qui maintient que ce que l’on fait de son corps engage toute la personne. Des courants issus de la libération sexuelle soutiennent que l’on peut vendre son corps sans impact particulier, que le vagabondage sexuel n’a pas de conséquence, voire que tromper physiquement un conjoint est sans importance tant que l’affection reste présente. Parce que la foi chrétienne croit à la valeur du corps et à l’unité de la personne, il ne peut suivre de telles idées.
De même, aujourd’hui, c’est le christianisme qui affirme qu’on ne peut pas séparer  notre identité de ce que nous sommes dans notre corps, face à des courants pour qui la liberté de la volonté ou  les aléas du ressenti priment sur la réalité biologique. Ces sujets méritent une discussion plus ample qu’il n’est possible ici, mais il faut retenir que dans les faits d’aujourd’hui, ce n’est certes pas le christianisme qui tient le corps pour quantité négligeable. La foi chrétienne met des limites à ce que l’on fait avec son corps, pas parce qu’il est mauvais, mais précisément parce qu’il a de la valeur[6. Pour ceux qui se posent précisément la question de la sexualité, je les invite à

Jean-René Moret


Pour aller plus loin sur ce thème :

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