Face à la souffrance : le délit de fuite ou le choix de l’amour

Face à l’injustice, au mal et à la souffrance, la Bible, au contraire du bouddhisme, invite l’homme à regarder la réalité en face. Le constat bouddhiste selon lequel tout est illusion vient nier les données de l’expérience, la réalité de la souffrance et de la nature humaine : l’homme est une personne. Pire, ce constat représente une négation de l’histoire (voir L’apparition du mal et de la souffrance sur Terre : ce qu’en disent le bouddhisme et… la Bible ).

La Bible, elle, présente l’homme comme un être personnel et relationnel créé à l’image d’un Dieu aimant et juste, en vue d’aimer et d’espérer. En faisant cela, elle confirme l’expérience humaine.

Nous allons à présent examiner trois préceptes bouddhistes, qui nous semblent être des dénis de réalité, car ils vont à l’encontre de celle-ci. Ces dénis ont une conséquence dramatique : ils ferment, chez l’être humain, le chemin de la Compassion et de l’Amour véritables.

Le Refus de reconnaître l’évidence : le Soi personnel existe.

 Pour un bouddhiste, le précepte de la compassion envers tous les êtres a une place centrale. Mais dans sa vision du monde, le Moi n’est qu’illusion. Ainsi, la compassion bouddhiste ne peut pas avoir pour objet la « personne », l’« Individu », qui n’est qu’illusion. Elle se reporte alors sur « tous les êtres vivants », sur « la vie elle-même ». Au contraire, la compassion du chrétien a pour objet le « Moi » de l’autre, qui est une personne. Il s’agit, par amour pour l’autre, de se dévouer pour lui, d’être même prêt à souffrir pour lui, parce qu’on l’apprécie pour ce qu’il est.

Je cite maintenant Lama Denys :

Il n’est pas d’être, il n’est que de l’« inter-être ». L’enseignement du Bouddha sur l’interdépendance est une façon particulière d’exprimer l’absence d’entité ou d’ego, la vacuité d’être propre (shunyata), tant dans le sujet qui perçoit que dans les objets saisis… « Je » dépends de ce qui est « autre que moi ». Ce que nous appelons « moi » est fait d’éléments « non-moi »… Dans la règle d’or telle que nous l’entendons, « l’autre » n’est plus seulement nos semblables humains, mais tous les êtres vivants, la vie elle-même. Consommer les fruits d’une agriculture respectueuse de la Terre et les produits issus d’un commerce équitable est un exemple d’action à notre portée, une action qui rend opérante la compassion fondamentale dont notre monde a tant besoin[1. Bouddhisme interdépendance et responsabilité : La règle d’or ; Par Lama Denys ; http://www.buddhaline.net/La-regle-d-or-interdependance-et].

Lama Denys, dans son article : « Bouddhisme, interdépendance, et responsabilité », que j’ai cité ici, incite ses lecteurs à « la responsabilité universelle », qui est, selon lui, « la clef véritable de la survie de l’humanité », et « le meilleur fondement de la paix mondiale ». Cette compassion universelle est bien différente de l’Amour chrétien ; car elle ne vise qu’un bonheur illusoire, fait de l’absence de souffrance : et ce bonheur, a un nom : c’est le « Bien-être », véritable « idole » de notre siècle hédoniste !

Je ne tiens pas ici à diaboliser le zèle écologisant de Lama Denys, qui peut revêtir un certain bon sens ; mais je tiens à exprimer mon rejet de ce qui sous-tend ce zèle ! Le Dieu du christianisme invite les chrétiens à aimer Dieu et le prochain[1. Lévitique 19.18 ; Matthieu 22.36-40], ce qui, selon Moïse et Jésus-Christ, résume toute la Loi et toutes les prophéties ! Cet amour prescrit par la Bible est remplacé, ici, par une compassion universelle, vague et fourre-tout, dans laquelle Lama Denys met sur un niveau d’égalité l’humain, le chou-fleur et le lombric !

Le refus de regarder la mort en face.

Dans nos sociétés occidentales, l’idée orientale de la réincarnation est extrêmement séduisante, et connaît un succès certain ; car elle relativise le caractère insupportable de la mort. En effet, pour l’homme, accepter sa propre finitude est insupportable. Aussi voyons-nous, en lisant le troisième chapitre de la Genèse, que le diable, celui que la Bible appelle le Père du mensonge et le serpent séducteur ne s’y est pas trompé, lorsqu’il a trompeté : « vous ne mourrez pas du tout ! »[1. Genèse 3.4].

Mais le bouddhisme ne parle pas d’une survie de l’âme personnelle après la mort, car pour lui, le « Moi » n’est qu’illusion. L’être humain vit pourtant avec cette espérance de transmettre quelque chose à ses enfants, de laisser une empreinte en ce monde, pour les générations d’hommes qui le suivront. Cette soif d’absolu, le philosophe Pascal en a parlé, affirmant que l’homme a en lui un vide en forme de Dieu. La Bible dit également des hommes que « Dieu a mis dans leur cœur la pensée de l’éternité »[1. Ecclésiaste 3.11].

Autrement dit, dans la pensée biblique, le vide dans le cœur de l’homme appelle à la recherche d’une plénitude qui vienne combler ce vide. Le bouddhisme pousse l’homme à se résigner, à accepter le vide, la vacuité (shunyata) comme la réalité ultime, et à désirer être vidé du Soi, qui n’est qu’illusion, par l’anéantissement ou Nirvana. Pour le chrétien au contraire, la conscience que l’homme a de sa finitude et de sa mort inévitable appelle « la pensée de l’éternité ». Et selon la Bible, une réaction saine face à ce sentiment de vide, de vanité de l’existence, ce n’est pas de « faire le vide », mais de faire le plein : La soif d’absolu de l’homme doit le pousser à rechercher Dieu, et à trouver la plénitude dans la reconnexion avec son Créateur personnel, qui existe !

Le déni du désir.

Puisque pour le bouddhisme, tout attachement est source de souffrance, la voie du bouddhisme est celle du renoncement aux plaisirs de la vie. Et en fin de compte, si on va au bout de cette démarche, c’est la voie du renoncement à la vie elle-même ! Ainsi, la « Bonté universelle » du bouddhiste consiste en une philosophie négative : on remplace l’amour par la « non-violence », on remplace la Bonté par le fait d’« agir en évitant d’infliger aux autres la souffrance dont nous ne voudrions être victimes » et de « ne pas faire à l’autre ce que tu ne voudrais pas qu’il te soit fait ».

Il est très intéressant de mettre en perspective ces exhortations à la piété bouddhiste avec le commandement du Christ : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes »[1. Matthieu 7.12]. En clair, le bouddhiste encourage à ne pas faire souffrir le prochain, mais il se montre totalement incapable d’encourager à aimer, car pour un bouddhiste, l’amour, qui fait souffrir, conduit l’homme à s’attacher au monde, et l’éloigne du Nirvana, qui est, finalement, une libération de ce monde d’illusion et de souffrance.

Conclusion

Les différences énormes qui existent entre le bouddhisme et le christianisme nous les montrent comme deux systèmes de pensée opposés, totalement incompatibles.

Cela implique un choix : choix entre,

  1. le repli, souvent morbide, dans lequel le bouddhisme, soucieux d’éviter la souffrance et de concourir au bien-être universel, s’enferme ;
  2. l’engagement à aimer, peu importe les souffrances traversées, parce que le chemin du bonheur et de l’amour véritable passe par la souffrance : « L’amour, qui se donne, souffre ! ». (C’est ce dont parle notre prochain article…)

Aurélien Bloch
Juillet 2017


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Une réflexion sur « Face à la souffrance : le délit de fuite ou le choix de l’amour »

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